L’école et les enfants hyper compétents, hyper rapides…

Et si la lumière de l’autre devenait source de joie et non de menace pour soi ?

Et si la lumière de l’autre devenait source de joie et non de menace pour soi ?

Je suis touchée par les parents d’enfants qui ne rencontrent pas l’empathie ni l’ajustement souhaités de la part de l’école qui s’occupe de leur enfant. Touchée d’entendre que tant de personnes vivent avec inconfort le fait d’être face à des êtres (enfants ou adultes) qui les dépassent en intelligence, en pertinence, en vitesse. Cela devrait pourtant être réjouissant.

L’échange de ce matin m’a conduite à la prise de conscience qu’il est peut-être plus facile de s’adapter à l’autre quand on le perçoit en difficulté : trop lent, porteur d’un trouble d’apprentissage, etc. Cela nous maintient en position de héros, de sauveur — celui qui aide, qui sait, qui soutient. Cela nous rassure probablement sur nos compétences, pourvu que l’on parvienne, ne serait-ce qu’un peu, à l’aider à faire un pas de plus. Et si l’enfant n’y arrive pas, pas d’inquiétude : « c’est le trouble qui fait ça ».

Mais qu’en est-il de l’adaptation lorsqu’il s’agit d’un enfant qui va trop vite (parfois plus vite que nous), qui nous dépasse, qui nous déstabilise par sa pensée complexe et pourtant tellement efficace ? Pourquoi certains professionnels se sentent-ils en difficulté face à l’arrogance apparente de l’enfant qui, parfois, ne masque en réalité qu’un profond épuisement lié au fait de « devoir ralentir sans cesse pour l’autre, s’ajuster à lui, attendre que l’autre ait (enfin) compris… » ?

L’hypothèse que je pose aujourd’hui est que l’enfant « trop rapide », « trop compétent », peut insécuriser l’adulte, parce que celui-ci perd sa position de savoir et de guide. Il est alors amené, presque contraint, à chercher d’autres stratégies pour nourrir cet enfant qui, parfois, dévore ce qu’on lui propose en une seconde. L’adulte perd le rôle de celui qui tend la main à l’enfant « fragile », et se retrouve à « courir derrière » un enfant avide d’apprendre, pour qui épancher cette soif sera un long chemin d’ajustement mutuel.

J’aimerais que nous puissions entrer ensemble dans un autre espace : un espace où la lumière et la puissance de l’autre ne nous diminuent pas, ne nous fragilisent pas. « Je me réjouis de te voir fort et compétent, même si ta force et ta compétence me renvoient à mes propres fragilités. » Voilà le monde que je souhaite voir advenir. Et bien sûr, je vais simplement commencer ce travail chez moi, à partir de ce que je vis en présence de l’autre.

En espérant que ces quelques observations seront peut-être nourrissantes pour l’un ou l’une d’entre vous. Elles s’adressent à toute personne, où qu’elle soit, et à toute personne occupant une posture d’autorité. « Mon autorité et ma légitimité ne sont pas remises en cause lorsque l’autre est compétent et puissant. » Au contraire, cet être me pousse à incarner la plus belle version de moi-même, y compris à accueillir tout ce que je ressens lorsque je me sens « dépassée ».

Nous sommes tous très compétents à certains endroits, et moins compétents à d’autres. Nous sommes tous amenés à nous appuyer les uns sur les autres. C’est le socle même de ce tissu relationnel qui nous élève… et parfois nous retient.

À méditer ?

Véronique Honlet, psychomotricienne relationnelle